Khu Tap Thê, les anciens logements collectifs de Hanoi
Parties communes d'un Khu Tap Thê

Khu Tap Thê, les anciens logements collectifs de Hanoi

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Connaissez-vous les Khu Tap Thê, ces anciens logements collectifs construits à Hanoi après l’indépendance du pays et jusque les années 80?

Notre article retrace l’histoire de cet habitat caractéristique de la capitale vietnamienne.

Beaucoup d’entre eux sont toujours en l’état et il est très intéressant de les photographier lors de votre passage à Hanoi. Ils symbolisent le passé d’une société communiste aujourd’hui en voie d’individualisation.

 

L’habitat traditionnel de Hanoi ressembla pendant longtemps à ce que l’on peut trouver dans le Vieux Quartier de la capitale, à savoir des maisons étroites et hautes.

Après l’indépendance du pays en 1945, la ville commença à être aménagée différemment et de nouveaux logements virent le jour. C’est notamment le cas des Khu Tap Thê (KTT), ces lotissements d’habitat collectif dédiés alors à accueillir les personnes travaillant dans les administrations et dans les entreprises d’État. Inspirés de l’urbanisme soviétique, ces immeubles accueillent des appartements de très petite taille (environ 9m2) partageant cuisines et toilettes. À l’origine, on pouvait compter en moyenne une cuisine et une salle de bain pour 3 ou 4 appartements. La vie s’organisait aussi autour des équipements collectifs implantés au sein des KTT comme le marché, le parc, la crèche etc. Tous ces équipements étaient administrés par l’Etat, la propriété privée étant interdite.

Construits pour faire face aux besoins de nouveaux logements, les KTT représentèrent aussi pour un court lapse de temps le mode de vie socialiste. Celui-ci fut néanmoins aménagé rapidement par les habitants eux mêmes qui construisirent des extensions à leurs logements afin de gagner en espace et en intimité. C’est comme cela que l’on peut voir aujourd’hui de l’extérieur les « cages de tigre« , ces pièces ajoutées permettant notamment aux habitants de ces appartements exigus de faire sécher leurs linges.

Ces habitats furent construits jusqu’aux années 80, moment où l’URSS commença une crise politique et économique qui l’amena vers sa chute. Durant cette période, les autres pays communistes connurent eux aussi des crises, qui allèrent déboucher pour certains pays comme le Vietnam sur des changements d’ampleur. L’adoption du Doi Moi (renouveau) en 1986 par la République Populaire du Vietnam est ainsi, pour une large part, consécutive à la chute progressive de l’URSS et à l’arrêt de son aide financière. Le changement de cap introduit à cette époque, caractérisé par une libéralisation contrôlée de l’économie, précipita l’arrêt des constructions des KTT. Habitats jusque là locatifs, ils furent cédés aux habitants sous condition de la prise en charge de leur entretien par ces derniers.

Beaucoup de KTT subsistent aujourd’hui en l’état, comme un témoignage d’un passé socialiste qui, s’il marque encore les habitudes des populations âgées, se révèle bien loin des aspirations modernes de la jeune génération. L’habitat dans les grandes villes du Vietnam est marqué aujourd’hui par les stratégies marchandes du secteur immobilier. L’individualisation croissante des modes de vie se couple ainsi à une marchandisation toujours plus accrue des services pour des résidents assimilés de plus en plus à des consommateurs (en témoignent les résidences Vingroup ou Ecopark).

La construction des Khu Do Thi (KDT), nouveaux logements construits à partir des années 2000 à destination du personnel des administrations, témoigne de ce changement d’esprit. Si les KTT avaient été construits pour incarner un mode de vie socialiste, les KDT incarnent parfaitement le nouveau développement urbain de Hanoi caractérisé par la spéculation sur le foncier et les logements. En effet, dans la plupart des cas, les fonctionnaires acquérant à un prix modeste leurs logements dans les KDT les revendent à un prix beaucoup plus fort ensuite, s’enrichissant grâce la spéculation. L’habitat urbain d’Hanoi semble être aujourd’hui à l’opposée de l’esprit socialiste des débuts.

Si le mode de vie socialiste n’a pas tenu longtemps, il est intéressant de se pencher sur les processus d’appropriation/réappropriation de ces KTT. Comme nous l’avons vu, ils furent aménagés rapidement par les résidents afin d’accroitre leur espace de vie. Et aujourd’hui ? Peuvent-ils connaitre une seconde jeunesse ? S’ils restent en place, peuvent-ils être réappropriés par la nouvelle génération ? L’architecture, les couleurs et l’ambiance qui s’en dégagent pourraient attirer une jeunesse en manque de lieu d’expression artistique. Un professeur d’architecture et ses étudiants ont par exemple réaménagé le 1er étage d’un immeuble du KTT de Kim Lien pour en faire un lieu de travail et de formation (voir Kecho Collective)

L’habitat en KTT, s’il apparait désuet dans son esprit socialiste de naguère, pourrait être le lieu de nouveaux projets collectifs à fort potentiel artistique. La question reste de savoir si ces KTT résisteront à la forte pression spéculative actuelle…

 

Découvrons en photos la manière dont ces KTT subsistent aujourd’hui.

 

Immeuble d'un Khu Tap Thê avec derrière un immeuble moderne en construction

Immeuble d’un Khu Tap Thê avec derrière un immeuble moderne en construction, Hanoi

 

Logements Khu Tap Thê vus de face, Hanoi

Logements Khu Tap Thê vus de face, Hanoi

 

Logements Khu Tap Thê en arrière plan de la rue passante, Hanoi

Logements Khu Tap Thê en arrière plan de la rue passante, Hanoi

 

Vue extérieure des appartements d'un immeuble Khu Tap Thê, Hanoi

Vue extérieure des appartements d’un immeuble Khu Tap Thê, Hanoi

 

Petits magasins dans les parties communes d'un Khu Tap Thê, Hanoi

Petits magasins dans les parties communes d’un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Parties communes d'un Khu Tap Thê, Hanoi

Parties communes d’un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Parties communes d'un Khu Tap Thê

Parties communes d’un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Exemple de façade d'immeuble dans un Khu Tap Thê, Hanoi

Exemple de façade d’immeuble dans un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Sur le pallier d'appartements dans un Khu Tap Thê, Hanoi

Sur le pallier d’appartements dans un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Tableau d'information en bas d'un immeuble appartenant à un Khu Tap Thê, Hanoi

Tableau d’information en bas d’un immeuble appartenant à un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Decoration extérieure, immeuble d'un Khu Tap Thê, Hanoi

Decoration extérieure, immeuble d’un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Plantes posées en bas d'un immeuble d'un Khu Tap Thê, Hanoi

Plantes posées en bas d’un immeuble d’un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Vue extérieure d'un immeuble de Khu Tap Thê, Hanoi

Vue extérieure d’un immeuble de Khu Tap Thê, Hanoi

 

Bia Hoi en bas d'un immeuble d'un Khu Tap Thê, Hanoi

Bia Hoi en bas d’un immeuble d’un Khu Tap Thê, Hanoi

 

Equipements de sport collectifs, Khu Tap Thê, Hanoi

Equipements de sport collectifs, Khu Tap Thê, Hanoi

 

Résident prenant soin des affiches de publicité en bas de son immeuble, Hanoi

Résident prenant soin des affiches de publicité en bas de son immeuble, Hanoi

 

 

Texte et photos par Mathieu Arnaudet (www.mathieuarnaudet.com)

Sources:

Cerise E.Maximy René de. (2006). « Voirie et recompositions urbaines à Hanoi« . In : Castiglioni F. (dir.)Cusset J.M. (dir.)Gubry Patrick (dir.)Nguyên Thi Thiêng (dir.)Pham Thuy Huong (dir.). La ville vietnamienne en transition. Paris (FRA) ; Hanoi : Karthala ; IMV, 45-72. (Hommes et Sociétés). ISBN 2-84586-751-4

Julien Trambouze, Dans les cages de tigre d’Hanoi, émission « Point de fuite », RTS, 2019.

 

 

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