Histoire et facettes du Vietnam contemporain
Le Vietnam a une histoire récente dramatique et complexe mais aussi riche d’enseignements
pour qui veut comprendre le pays d’aujourd’hui.
C’est pour cela que nous vous proposons ici de tracer à grand traits cette histoire
et de vous faire découvrir quelques facettes saillantes du Vietnam d’aujourd’hui
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Table des matières de l'article
Quelques dates jusqu’à la réunification
- 1887 – La France créée l’Union Indochinoise
- 1930 – Fondation du Parti Communiste Indochinois
- 1941 – Fondation du Viet-Minh (Front d’Indépendance)
- 2 septembre 1945 – Déclaration d’Indépendance à Hanoi
- 1946 – 1954 – Guerre d’Indochine
- 20 Juillet 1954 – Accords de Genève sur la partition du Vietnam (République Démocratique du Vietnam au Nord / République du Vietnam au Sud (soutenue par les américains))
- 1960 – Création du Front national de libération du Vietnam du Sud
- 1960 – 1975 – Guerre dite « du Vietnam » (point de vue américain)
- 30 avril 1975 – Victoire du Nord et du Font national de libération du Sud Vietnam
L’Histoire vietnamienne est une longue histoire de résistance et de résilience face aux envahisseurs étrangers : la Chine (durant 1 000 ans, 111 AV JC – 938 AP JC), la France (1859 – 1956) et les États-Unis. En 1975, le Vietnam retrouve son indépendance et ce n’est donc pas la première fois ! Mais il s’agit de la 1ère fois en tant qu’Etat-Nation souverain.
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Histoire de la réunification et des réformes du doi moi
La République socialiste du Vietnam nait en 1976, réunissant les deux parties du territoire et les deux populations en guerre civile depuis près de 20 ans. Réunification ne veut pas dire fusion pour ces deux territoires ayant évolué selon des principes économiques, politiques et culturels divergents.
Pour faire simple :
Nord : Economie étatisée et planifiée où toute activité se réalise dans le cadre des établissements d’Etat ;
Sud : Economie libérale quoique règlementée faisant appel aux investissements étrangers (y compris ceux des anciens colonisateurs)
En termes de libertés publiques et politiques également, de grandes différences existaient:
Au Nord, pendant la période de guerre, l’unité était la loi : aucune voix discordante n’était admise.
Au Sud, une société civile existait davantage, où pouvaient s’exprimer les parlementaires, les syndicalistes, les intellectuels etc.
A la réunification, le gouvernement du Nord réorganisa le Sud en transformant le régime économique, social et politique de ce dernier. Ils procédèrent à l’étatisation et la collectivisation. Les fonctionnaires du Sud furent soumis à une rééducation politique (plus ou moins dure selon les « crimes » commis). Des camps de rééducation s’ouvrirent qui allaient causer la mort de plus de 150 000 personnes et pousser des centaines de milliers de personnes à l’exil, par la mer.
La « Nordmalisation » (Jean et Simone Lacouture) de l’économie entière du Vietnam fut un échec et les dirigeants vietnamiens comprirent qu’il fallait s’engager dans la voie des réformes du système économique.
La reforme appelée Doi Moi fut l’aboutissement de reformes locales et / ou sectorielles échelonnées entre 1979 et 1986. Mais malgré ces réformes, les pénuries alimentaires étaient nombreuses et la malnutrition courante. Il y avait urgence à abandonner le modèle socialiste soviétique.
Au milieu des années 80, l’Union Soviétique entreprit sa réforme, la « perestroïka ». L’URSS était le 1er pourvoyeur d’aide au Vietnam et annonça rapidement une renégociation des accords économiques entre les deux Etats. En Chine également était venue le temps des reformes que les vietnamiens suivaient attentivement. En 1987 et 1988 le PCV, dirigé alors par Nguyen Van Linh, prit une série de décrets supprimant les obstacles aux activités du secteur privé afin de stimuler la croissance. Ce fut la reconnaissance officielle du marché libre et d’un secteur privé de l’économie.
En 1989, l’économie vietnamienne est donc régulée par le marché et s’ouvre sur l’extérieur (des lois sont promulguées pour encourager les investissements étrangers).
Qu’est-ce qui caractérise le Vietnam d’aujourd’hui? Regardons de plus près 3 facettes importantes de la société vietnamienne d’aujourd’hui:
# Une économie libérale extravertie ;
# Un régime politique à Parti unique ;
# La grande place de la spiritualité
Le commerce extérieur tire l’économie vers le haut
Après la tentative de mise en place d’une économie subventionnée et dirigée, et son échec, le pays s’est engagé tout entier dans un processus de modernisation économique.
Cette modernisation s’est réalisée notamment grâce à une intégration progressive au marché mondial. Les réformes successives et l’adaptation de son économie à la mondialisation libérale lui permettent de faire son entrée à l’OMC en 2007. Les deux dynamiques à l’œuvre, mondialisation et régionalisation, poussent le Vietnam à s’ouvrir et à miser sur l’échange commercial pour développer son économie.
C’est le commerce extérieur qui a tiré vers le haut depuis 25 ans l’économie vietnamienne et qui lui permet d’atteindre toujours des hauts niveaux de croissance (plus de 7% en 2018). La libéralisation des forces productives à la campagne ainsi que la généralisation des variétés à haut rendement ont conduit par exemple le Vietnam à devenir le 2ème exportateur de riz (derrière la Thaïlande). En parallèle, d’autres cultures se sont également développées : la canne à sucre, le thé, le poivre, le caoutchouc ou le coton. Le café et l’aquaculture sont aussi deux très grandes sources de revenu pour le pays.
Le pays a ainsi adopté la même stratégie économique que les « dragons et tigres » de l’Asie Orientale, qui est de produire pour l’exportation en jouant sur l’avantage comparatif du bas coût de la main d’œuvre, que ce soit dans l’agriculture ou dans l’industrie (agroalimentaire, textiles notamment).
Aujourd’hui le pays exporte en très grande majorité des produits manufacturés (70% contre 12% pour les produits agricoles), ce qui a fait entrer le Vietnam dans la catégorie des « nouveaux pays industrialisés » selon la nouvelle division internationale du travail.
Peu atteint par la crise mondiale, le pays poursuit ses réformes et l’avenir économique du pays apparait comme prometteur.
Balance commerciale avec l’Union Européenne, toujours plus excédentaire
Le Parti unique, guide de la Nation
Ces transformations économiques ont elles une influence sur le régime politique du pays ? Dans beaucoup de pays, ces changements radicaux dans la politique économique ont amené également des bouleversements politiques…
Après 1989, il y eut un bouillonnement intellectuel au milieu duquel certains appelaient à davantage de pluralisme mais toujours dans l’idéal d’une démocratie socialiste, ultime étape de l’évolution de la société dans la pensée marxiste. D’autres allèrent plus loin, argumentant pour l’abandon du centralisme-démocratique et la dictature du prolétariat, parce que anachroniques en temps de paix. Le Secrétaire General du Parti lui-même appela à « désentraver » les écrivains et les artistes de l’emprise du politique.
Le doi moi fut ainsi « une plus grande volonté de dire, de faire en dehors de toute doctrine politique contraignante » (Pierre Brocheux ).
Cette éclaircie fut de courte durée puisque la priorité dès 1991 fut donnée aux transformations économiques. Le Parti eut peur des nouvelles déstabilisations que pouvaient causer une trop grande liberté de parole… Il attaqua donc celles et ceux qui exprimèrent des opinions trop éloignées des vérités établies. Le Parti fonctionne ainsi toujours dans les faits sur le modèle Léniniste bien que l’on ait assisté à une évolution dans l’idéologie : la pensée d’Ho Chi Minh a remplacé la doctrine marxiste-léniniste. Le Parti n’exerce ainsi plus la « dictature du prolétariat » mais guide la nation vietnamienne.
En parallèle, furent néanmoins mises en place des institutions de l’Etat de droit. C’est ainsi que l’Assemblée Nationale a gagné une place centrale et a intensifié son travail législatif. Néanmoins, l’initiative des lois revient au Comité consultatif du Parti Communiste et l’adoption de ces lois au Comité permanent de l’Assemblée Nationale. Que ce soit pour les élus du Peuple ou pour les fonctionnaires, la double appartenance, Parti et Etat, est toujours une tendance lourde. Le Parti est ainsi omniprésent, à chaque échelon de la société. Il fait corps en quelque sorte avec la société, sur laquelle il n’exerce pas de joug. Il évolue avec elle. C’est parce qu’il fait corps avec la société, et qu’il est donc également soumis à son évolution, que le Parti ne tolère aucune contestation.
Ce Parti tire sa légitimité du fait qu’il guide encore et toujours le pays. Il l’a guidé vers l’indépendance, il l’a guidé vers la modernisation et il continue de le guider vers la prospérité.
Hanoien faisant du skate sur la place Lenine, l’une des seules statues au monde représentant encore Lénine, Vietnam. Crédit photo: Mathieu Arnaudet
La place de la spiritualité dans la société vietnamienne
Durant la période d’essai d’un « socialisme réel », après la réunification, la pratique des croyances traditionnelles était interdite. Seule la pratique des grandes religions comme le bouddhisme et le catholicisme était tolérée et leur culte librement pratiqué.
A partir du Doi Moi, le pays assiste à une sorte de « boum » des croyances qui se traduit par une grande fréquentation des sanctuaires et des pèlerinages. Deux facteurs principaux expliqueraient cela. Premièrement, les transformations économiques accélérées, génératrices de l’exode rural et du déracinement, les aspirations à bénéficier de la prospérité matérielle, provoquent le retour aux rites propitiatoires et à la voyance, qui étaient interdits. L’invocation du surnaturel est redevenue une pratique courante. Deuxièmement, l’Etat lui-même a joué un rôle important dans ce regain des croyances en faisant de Ho Chi Minh une figure tutélaire qui est vénéré comme un génie par les familles vietnamiennes.
Ce retour aux croyances s’inscrit dans une stratégie de renforcement de la cohésion nationale. S’il y a bien des tensions entre le Parti et les représentants des grands cultes, cela n’exprime pas de la part du Parti une politique antireligieuse. Cela exprime plutôt la nécessité pour le Parti de réserver l’exclusivité du politique à l’Etat et au Parti. Le politique et le religieux sont séparés et ce dernier ne saurait interférer dans les affaires du premier…
Ferveur spirituelle autour de l’hotel du héros Tran Hung Dao durant un Festival dans les environs d’Hanoi, Vietnam. Crédit photo: Mathieu Arnaudet
Les problématiques actuelles
La politique du Doi Moi a permis au Vietnam de se moderniser économiquement et d’accroitre sa richesse. La pauvreté absolue a largement diminué, le pays joue un rôle important dans les échanges économiques et dans les rapports de force politiques de la zone asiatique.
Le Vietnam enregistre chaque année un flux d’IDE entrants plus important : il a enregistré 17,15 milliards USD d’investissements directs étrangers entre janvier et septembre 2015, pour un total de 461 projets. Les premiers pays investisseurs sont la Corée du Sud, la Malaisie et le Royaume-Uni. Le pays continue d’instaurer un environnement d’affaires favorable aux investisseurs étrangers.
Le Parti ménage les investisseurs étrangers qui apportent des capitaux au pays. Mais quelques fois, ce ménagement entraine des effets pervers comme le non-respect des droits des travailleurs ou des scandales environnementaux comme cela a été le cas avec la mort de millions de poissons à la suite de rejets toxiques effectués par l’entreprise Formosa.
L’enjeu pour le Parti est ainsi de trouver un équilibre entre incitation à l’investissement et respect des droits (sociaux, environnementaux).
Cette brève histoire doit beaucoup au livre de Pierre Brocheux : Histoire du Vietnam contemporain. La nation résiliente, Fayard, 2011
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